Aujourd’hui, je vous embarque avec moi à Ljubljana pour une visite insolite. Si vous êtes déjà venu dans la capitale slovène, vous savez qu’on en a vite fait le tour. C’est pourquoi je vous propose de la (re)découvrir sous un nouvel angle : du point de vue d’un SDF. Attention, ne vous attendez pas à visiter des monuments culturels. Ici, il s’agit plutôt de découvrir le côté que la capitale ne veut pas montrer, tout en suivant l’histoire d’un SDF.
Rendez-vous à 11h avec mon guide, Taubi, devant la fontaine Robbov vodnjak. Une famille allemande nous rejoint, et nous sommes au complet. Il est temps de commencer ! Après une rapide introduction, il nous explique que cette journée se base sur les échanges entre le guide et les touristes : sans question, le tour n’a pas lieu d’être. Il commence avec une description des profils types de SDF : les personnes totalement à la rue, celles qui n’ont pas de travail mais une chambre ou une maison grâce aux aides sociales, et celles qui ont un lieu pour vivre et un travail pour payer le logement, mais dont le travail est précaire. Il nous avoue qu’il se situe lui-même dans la dernière catégorie : il touche les aides et dispose d’une chambre dans un bâtiment accueillant des personnes en difficulté.
Nous commençons la visite sur la place Preseren, place centrale de Ljubljana. Notre guide nous raconte que le bâtiment situé à gauche de l’église Saint-Nicolas est dirigé par des religieux. Gracieusement, ils servent le petit déjeuner tous les jours de la semaine. Peu importe d’où vous venez, on ne vous posera aucune question. Nous continuons ensuite par le marché, dont les marchands laissent volontiers quelques fruits et légumes à disposition des plus démunis avant de remballer. C’est une initiative très intéressante car ces produits étaient de toute façon destinés à finir à la poubelle. Nous passons ensuite dans un dépôt-braderie, où l’on peut acheter de nombreuses choses pour un tout petit prix.
De question en question, nous en apprenons plus sur la vie de notre guide. Il nous confie être parti de chez lui à 18 ans, le jour de son anniversaire. Il a alors vécu trois mois sur un banc, dans le parc près de l’hôtel Park, qu’il appelle familièrement « le centre ville des SDF », avant de changer plusieurs fois de « logement ». Il est notamment parti à Rome et à Barcelone. Nous faisons un détour par Mekelkova, où il nous explique avoir vécu et manifesté en 1993, suite à l’ordre de destruction.
Après avoir passé 19 ans dans la rue, il décide de se reprendre en main. Il soigne donc son problème de drogue et d’alcool grâce à une association. Depuis 2005, avec l’intervention de la mairie, le bâtiment « Dnevni center » est équipé de chambres ainsi que 10 appartements réservés à la location par des sans-abris. Contre un loyer très faible, ils peuvent avoir le confort d’une maison à leur disposition, après avoir validé les entretiens avec l’association pour prouver leur bonne foi. Une chambre peut se garder à vie, tant que le locataire est respectueux des autres. En revanche, un appartement est loué pour une durée maximale d’un an et demi.
Le but de ces structures est de favoriser l’intégration des sans-abris. Nombreux sont ceux qui ont un travail, comme vendre le magasine mensuel de l’association. Notre guide nous explique qu’aujourd’hui, grâce à l’aide sociale de 280€/mois et à son travail complémentaire de guide, il parvient à vivre très correctement. Si sa vie lui convient parfaitement maintenant, il avoue que sans sa chambre, il ne saurait pas où aller. C’est aujourd’hui son lieu de résidence et il ne compte pas le perdre.
La visite guidée, censée durer environ 2h, en aura duré presque 3. Nous devions sûrement être trop bavards. En conclusion, c’est une expérience intéressante, qui permet de découvrir un second Ljubjana, plus discret, loin des décors de cartes postales.
Prix : 6€ (enfants, étudiants et sans emplois), 8€ (adultes)